lundi 12 avril 2010

Je suis le règne végétal

"Moi quand je regarde par la fenêtre, je vois que le béton est en fleur" -
Grand corps malade (Je dors sur mes deux oreilles) 
Moi quand je dis terre, je vois la tombe sans nom de cet enfant qui s’est envolé.
Moi quand je dis terre, je vois ces formes ondoyantes qui supportent le ciel. 
Moi quand je dis terre, j’entends le frétillement des feuilles de ce tilleul secouées par le vent.
Moi quand je dis terre, je sens l’odeur de la terre trop chaude se répandre dans l’air après une pluie d’orage.
Moi quand je dis terre, je sens le parfum des fleurs ensoleillées du mimosa de mon jardin.
Moi quand je dis terre, je touche cette argile qui colle à mes mains pour m’y fondre éperdument.
Moi quand je dis terre, je goûte l’air que je sens envahir mes poumons.

Définitions imagées 
Le tournesol, soleil terrestre au cœur immense et généreux empli de graines croustillantes.
La pâquerette, étiolée au gré des amours, possédée et plantée là.

Sur le modèle du Haïku 
Arbre à palabres,
Vipère à cornes des sables.
Le Kapok capote.

Je suis un grain de blé
J’étais dans ce sac, appuyé sur une peau semblable à la mienne. Et me voici saisi par un corps qui me presse, me soulève pour mieux me laisser choir.
Un rebond puis un autre et je me retrouve esseulé. Qu’attend-t-on de moi ?
Une matrice chaude me saisit. Au contact de cette décomposition vivante, je ramollis. Elle me soutient avec force. Je m’y agrippe et me distords. Je m’enfonce. Un mouvement que je ne contrôle pas et qui pourtant paraît émaner de moi me contraint. Mon enveloppe se déchire, s’ouvre. Que m’arrive-t-il ?
Vers où m’emportera cet appendice qui s’échappe de moi ? Je me débats et m’étire. Processus irrémédiable ; je me déploie. Je m’empare de la quintessence de l’énergie dont regorge ma nidation. Je l’absorbe avec délectation.
Je suis attiré vers la lumière qui vient décupler mes forces. Je m’élève irrémédiablement vers un destin déjà inscrit en moi.

Textes Isabelle H.
Photos Isabelle M.

Je suis le règne minéral

Je suis dans cet oeuf
Ici je me transforme au rythme des élans qui me sont donnés par le mouvement des failles qui m’entourent. Elles m’enferment puis me laissent libre d’envahir cette grotte tendre et enveloppante.
Le magna semble fondre pour me rendre vivant.

Je suis cette roche en fusion qui jaillit d’un antre.
J’étais oppressée et une explosion m’a libérée. Je me suis élevée en une multitude d’éclats. Déstabilisée par la transformation opérée sur moi par la chaleur, je venais de sortir brutalement d’un immobilisme mortel. J’allais pouvoir franchir l’étape de transition qui me conduirait vers ma consolidation.
L’élan donné par l’énergie accumulée, par les peurs et les distorsions endurées saurait assurément me donner forme. Une forme inattendue peut-être, mais enfin révélée.

Textes Isabelle H.
Photo Isabelle M.