vendredi 22 février 2013

Ecrire la forme sonate

Liszt n'a composé qu'une seule sonate : la sonate en si mineur, dite la "grande sonate". Nous l'avons écoutée, avec attention, chez nous cette semaine, tout en vacant à nos occupations (linge, cuisine...) ou au contraire nous asseyant pour nous laisser ravir. Cela commence très sombre, très noir, très lourd. Tout est martelé disloqué, puis une lumière, une hauteur, une légèreté avant de clore sur une gravité et une profondeur presque inhumaines. Dans les ombres et les lumières de la sonate de Liszt, nos émotions contraires ont percé : agacement, violence, énervement, calme, vivacité, légèreté. Des couples de mots antagonistes sont nés; comme autant de thèmes A et B de l'exposition d'une sonate.
Les voici déclinés selon les règles du jeu oulipien: le Blitz Bristol, pour vous donner à lire les premiers mouvements de nos textes-sonates.
IM

Respiration // Ettouffement

A minuit le poumon
comme un silence bruyant rapidement
désir intense expirer
suffoquer souffler
tristement vivre
musique lourde une pause
comme une fuite vers un autre monde avec le sourire
vite pendant les vacances
étouffer le grand air
jour sombre vivement
dans la maison vide comme un poisson dans l'eau
à minuit comme le soufflet de l'accordéon
seule sur la plage
dans la maison vide en cadence
comme une explosion fréquemment
silence vide régulièrement
comme un nuage pesant la voix haletante
étrangler comme le vent
lentement sur la plage
avec le musicien avec le sourire
doucement comme un chat
mourir inspirer

Anne et Annie

L'évadé emprisonné

Quand la liberté s'épuise avec une joie profonde
comme la passion nuages
quand la liberté s'épuise courir
vers la solitude légèrement
le cerveau pressé disparaître
vers la solitude sous un grand soleil
comme un blocage comme une flèche
violemment horizon
l'âme étriquée l'infini
la porte fermée comme un cheval au galop
attacher gaiement
pendre lointain
enfermer comme un elfe furtif
comme une peur fuir
terriblement rapidement
ficeler s'envoler
le repas dégueulasse comme une ombre
longtemps vers les vastes plaines
dans la tour du château subrepticement
avec plus personne à qui parler au milieu d'un tourbillon
comme une restriction avec une joie profonde
brutalement sous un grand soleil

Patricia et Michèle

Calme // Colère

Taire cruellement
sous l'orage dans la rue
comme un jardin après l'orage grosses bosses
lenteur frapper
quand il crie dans la rue
comme un paysage sous la neige gémir
douceur comme un loup
dans l'eau comme un voyou
petit chat l'hiver dernier
le silence tragiquement
reposer brutalement
silencieusement souffrir
posément vivement
tendrement comme un chien
quand il crie petits bobos
à la façon d'une mer étale l'hiver dernier
aisément dans l'arène
se détendre comme un méchant
dans la tempête nez cassé
comme un enfant qui dort à 8 heures
dans l'eau pleurer
respirer gros bobos

Christine et René

jeudi 21 février 2013

Les Variations, une question de point de vue


« Moi, tu vois, pour moi la musique c'est pas ça ; j'aime bien quand il y a un air, quelque chose qu'on peut chanter, avec des paroles par exemple. Là, ça me fait penser à un truc d'église en un peu moins sérieux mais à peine. Et on peut même pas danser là-dessus, essaie donc, tiens ! Même une valse ça pourrait pas le faire. Alors t'imagines le tango, le rock, enfin quoi des trucs où ça bouge, où ça danse !! Et puis c'est le genre qui se joue dans les théâtres où t'as pas le droit de bouger, pas le droit de parler, où faut être bien habillé et s'ennuyer toute une soirée. Tiens, écoute, là c'est reparti pour la tristesse. On croit que ça va décoller et puis non, ça ralentit, ça s'reprend au sérieux. Non, j't'assure.....et ma gamine qui s'est entichée de c'truc, ça m'énerve, mais ça m'énerve. J'dis rien parce que sa mère veut qu'elle fasse du piano, paraît que ça fait bien le piano pour une fille mais moi, j'en peux plus. Allez viens au bistrot, j'te paye un canon avant que je casse tout. »
Michèle (dans le point de vue du père)


T’as entendu cette musique !
Quand le moteur de ta bagnole jouera cet aria comme y parait,
il faudra que tu penses à venir me voir…
Sans aucun doute, t’auras pété une durit.
Remarque, avec cette cadence, tu ne risques pas de te faire prendre au radar.
Tu la rouleras pépère, ta voiture !
Vive l’éco-conduite !


Annie (dans le point de vue du garagiste) 

Au Secours!
Je peux vous dire que j’en ai assez, et je vais vous expliquer pourquoi! Chaque matin, en se réveillant, ma maîtresse met la même musique qu’elle a ‘découvert’ comme une nouvelle religion (Je dois ajouter que je n’ai rien contre la religion – catholique, protestant, hindu, juif, baptiste etc. La tolérance, c’est moi!). Mais quand mes bols restent vide pendant qu’elle fait son petit déj en dansant entre la cafétière et le toaster…vous voyez le problème?! Et ce n’est pas seulement elle qui m’agace, mais ce bruit qui saute, se cache et me taquine comme une souris qui à l’instant sort et disparaît. En parlant de souris,  je peux vous jurer que je n’en ai vu aucune depuis qu’elle a attrapé ce microbe.
Enfin elle part au travail. Mais en rentrant la même comédie recommence.
Quelle sont mes options? J’ai essayé de pleurer mais elle croyait que je chantais avec elle! Quitter la maison? Facile, mais au fond je l’aime bien. Griffer le disque (mes griffes sont hors pair)? Pas pratique; il y a toujours l’ordinateur, l’ipad, l’ipod etc. Se suicider? J’aime trop les têtes de marqueraux…
Aidez-moi je vous en prie!
Anne (dans le point de vue du chat)


Variations Obsessions

Il est des noms obsédants comme des notes. Il viennent, tournent et s'incrustent. Impossible de s'en débarrasser. A la manière de Gould plié sur son piano et jouant les Variations Goldberg, nous nous sommes astreints à jouer avec quelques mots, tirés au hasard... neige, sable, piolet, angora, de quoi devenir marteau!
IM

Piolet




Dans la cabane au fond du jardin, mon piolet m’y attend.
Lorsqu’il rentre au contact de la glace, mon piolet laisse entendre une mélodie au rythme de ma progression. La fluidité du son de mon piolet m’indique si la paroi me donne ou non du fil à retordre. Quand je me sens à l’aise, accroché à mon piolet, je me permets de regarder en contrebas le petit pont surplombant la rivière.
Arrivé en haut du glacier, assis à côté de mon piolet, quel bonheur d’admirer le soleil de minuit.
Annie

Sable


Je lutte contre le sable, le sable arrivant avec le vent qui enrobe les rochers du désert. Je lui tourne le dos et m’habille en burnous. Loin de moi, à Londres, ce sable du Sahara recouvre les voitures avec un fin manteau rougeâtre.
Je lutte contre le marchand de sable le soir qui laisse les traces de sable pour m’irriter le matin.
Il me taquine, ce sable, comme les Variations de Goldberg me taquinent. Mais en fermant les yeux dans le noir de la salle de concert, je ne lutte plus. Chaque grain de sable des notes me fait frissonner; je reste immobile, sablée.
Anne

Angora


C'est bien souvent, disons plusieurs fois par jour que je cherche cet angora.
Il est peut-être sur un glacier l'angora, ou sur une chaise, assis sur un coussin en satin.           
C'est très rare de le trouver caché à l'ombre de l'arbre mon angora.
Plus souvent à l'abri sous le foin ou dans un massif l'angora.
C'est un jeu entre nous qui me met en joie et quelque fois en colère cet angora.
Cet angora là me fascine, je ne vois plus que lui.
Bon débarras quand cet angora-là sera au débarras.
René

Neige


Il neige. Depuis qu'elle est à Montréal elle l'attend, la neige. Tout ce blanc, enfin ! La neige elle en a rêvé, ça la fait rire la neige. Seule, elle joue avec, elle la joue au piano, la neige, la neige dans son éternité, sa pureté, la neige qui l'attend.
Est-ce la neige de ses cheveux qui lui inspire ces calmes pensées ? C'est vrai, elle préférerait le retour à la neige au retour à la terre, à la poussière : « tu es neige et tu retourneras à la neige », impalpable bonne femme de neige qui fond au soleil. Un souvenir de neige c'est un souvenir à la fois froid et doux qui s'efface sans douleur, proprement – la neige, néant blanc.
Michèle

Marteau


Il est parti de l’autre côté du monde, son marteau dans la poche. Dans une obscurité piquante tout s’assombrit encore et encore.
Il EST marteau, complètement.
Le ciel est noir, noir foncé, aucune clarté ne traverse le rideau de pluie qui l’accompagne maintenant depuis le début de son voyage. Son marteau ? Un talisman apaisant dans cette solitude intérieure qui l’habite depuis si longtemps déjà. L’introspection le happe chaque jour un peu plus, il sombre. Aucun répit, seul son marteau frappe encore et encore. Pour le protéger. Un coup, deux coups, mille coups, où est la différence ?
Le marteau son unique ami se fait lisse au contact de sa main calleuse dans une poche devenue si collante d’humidité. Même le métal s’est réchauffé, se fond avec le bois.
Ce marteau, Mart comme il l’appelle, semble devenir le seul élément vivant dans ce paysage étrange.
Mart, essentiel pour son apparente sérénité.

Christine
Le 10 février 2013

lundi 11 février 2013

Cupidon et Cie

« L ‘amour est un je ne sais quoi qui vient de je ne sais où et qui finit je ne sais comment.» Madeleine de Scudéry (1607- 1701)

Le jour de la St Valentin, Lever l'encre vous invite à écrire les 'je ne sais quoi' de l'amour. Il reste des places, avis aux amoureux des mots et aux amoureux tout court!

A la médiathèque de Juigné-sur-Loire (49610), jeudi 14 février, de 14h à 16h / Atelier animé par Isabelle Moran / Renseignements et inscriptions au 06.31.97.16.13

lundi 4 février 2013

Bruxelles, Re-belle

Photo Mar Biks
La deuxième édition de Bruxelles, ma belle s'intitule Bruxelles re-belle et aura lieu du 15 au 18 mars prochain. N'hésitez pas à consulter le programme que nos amis Belges et Oulipiens ont concocté et à vous inscrire auprès de Henri Landroit +32 2 640 21 52 henry.landroit@skynet.be