mardi 12 novembre 2013

Bébé
Lait de toilette
Lever de sieste
Nuque de mes enfants
Parfum
Chocolat
Boulangerie
Gâteau sorti du four
Chaleur de l'été
Immortelles de Noirmoutier
Vacances sur le sable
Embruns
Intérieur de camping-car
Goûter après l'école sur la table de la cuisine
Forêt
Sous-bois
Mousse
Herbe tondue
Piscine en plastique
Protèges cahiers
Maman rassurante
Foulard
Dioressence
Crayon taillé
Boeuf aux carottes
Cuir de papa
Lavande
Draps propres
Terre humide
Chausson de cuir dans une salle de danse
Lilas

Je me souviens du parfum de Mme Ricoult, ma maîtresse de primaire, Chanel 19, je l'ai reconnu plus tard...
Je me souviens de l'odeur de la maison de mon premier amour : indéfinissable
Je me souviens du Tahiti douche des années 80
Je me souviens des Nouvelles Galeries : le plastique beige, l'odeur du lino et des vendeuses aux ongles faits
Textes : Mary R.
Atelier d'écriture Ecrire le nez en l'air
Images : Blogs White Velvet et Le parfum et La perception des arômes

vendredi 8 novembre 2013

Rencontre avec Charlotte Légaut, auteure et illustratrice

Hier la pluie faisait friser les cheveux et Charlotte Légaut germer les idées. Avec une dizaine de personnes, j'ai participé à l'atelier 'Ecriture et Nature" qu'elle menait à La Turmelière dans le cadre de sa résidence d'auteure. 
En toute simplicité, Charlotte nous a offert une promenade des sens : 11 minutes de balade solitaire dans le parc du château. Le reste de la journée a ensuite été consacré à mettre en image et en mots les sensations qui nous avaient traversés pendant ce temps si court et si long à la fois. 
Car il s'en passe en 11 minutes, l'esprit cavale, le corps bouge, respire, sens, regarde, entend. "La marche fait descendre le mental", disait une des participantes pour rendre compte de son expérience. L'écriture et l'oeil de l'appareil photo lui donne forme, ajouterais-je, c'est du moins ce que j'ai tenté de faire. Voici les textes et les images rapportés de cette journée, j'espère qu'ils seront une invitation pour chacun de vous à entreprendre ce grand voyage : sortir des murs et sur le pas de la porte, regarder la nature.

Bonne lecture et merci Charlotte pour ce moment si vert et apaisant passé en ta compagnie.
Isabelle


Le Grand Doré

Ils étaient deux.
Il y a longtemps, ils étaient deux.
Aujourd'hui, ils ne sont plus qu'un.
Celui qui reste a revêtu les couleurs de l'amour chatoyant.
Il rayonne pour celui qui a été et qui n'est plus.
Il clame à tous les autres combien il a aimé et combien il fut aimé par celui qui n'est plus et dont il ne reste que le tronc noirci au pied du Grand Doré.
Le Grand Doré n'est pas triste, toutes ses feuilles le disent.
Elles acceptent l'effacement des couleurs pour aller nourrir le sol, participer au grand sommeil qui ensemence le monde en silence.
Ils étaient deux il y a longtemps
Aujourd'hui ils sont des milliers à aller dans le vent


IM



O / Eau / Haut

Quitter le chaud, sortir le nez au vent, sentir le chemin sous le pied, écouter le spouik des chaussures rythmer les pas et remplir le silences de nos présences. Se détacher du groupe, continuer seule, accepter le chemin qui se présente, trouver un ruisseau argent sur le goudron gris, remonter le courant, aller à la source, ne pas la trouver, s'en étonner, s'arrêter, prendre le temps de marquer d'un arrêt la disparition de l'eau sur le chemin, lever les yeux, regarder plus loin, rester accrochée à l'arbre jaune, si vif qu'il tranche le vert, sauter dans le rouge des deux érables, torches bruissantes du parc, et puis reprendre la marche.

Retrouver l'eau qui dévale l'autre versant, continuer dans le même sens qu'elle cette fois-ci, renoncer à comprendre d'où ça vient, se fondre au flux, aller avec, devenir liquide, dévaler doucement la pente, caresse riante entre deux éclats de soleil.
IM

Maison de feuille

Sentir le sol s'adoucir, devenir tendre, élastique, sentir le poids du corps rebondir, devenir léger sur l'humus noir, s'enfoncer dans le sous-bois, se laisser embrasser par les lauriers, bifurquer soudain sur la gauche, entrer dans la maison de feuilles, y trouver des jouets de fortune, trois pneus, deux au sol un troisième accroché à la plus grosse branche, écouter la pluie qui ne m'atteint plus, se réjouir de cet abris qui m'est donné, se souvenir de toutes les cabanes de mon enfance, habiter le sentiment de sécurité, soudain, pleinement, devant un pneu, le temps d'une averse sous un toit de feuille. Repartir parce qu'il faut continuer, s'extraire du cocon vert, retrouver le chemin, sentir une odeur de persil, chercher d'où elle vient, fouiller l'herbe, trouver le tendre, le sauvage poussé au pied du pin, en cueillir quelques brins, les froisser dans la main, se dire que l'on a faim, repartir parce qu'il faut continuer. Se heurter à une pancarte, y lire qu'au-delà de cette limite on avance à ses risques et périls, décider de continuer malgré tout, parce qu'on a pas d'autre choix quand on veut repousser ses limites, sortir du chemin, descendre la pente sans glisser, trouver les ruines, commencer à explorer.


IM

vendredi 18 octobre 2013

Ether et Père


Diane compris alors que ce qu'’elle aimait dans l'’odeur de l’'éther, c'’était le parfum de son père qu’'elle cachait.
Christine B.
Atelier du 23 septembre, Ecrire le nez en l'air (voir article plus bas) 
Pictogramme incomplet de la structure de l'ether

L'enfance de Christine B.


Pluie très fine                                   Suintement
Embruns rafraîchissants                   Pourriture collante
Iode                                                 Colle
Vent caressant                                 Craie légère
Temps arrêté                                    Poussière
Soleil nourrissant                              Vieux
Sel qui colle                                     Renfermé
Jeux                                                Maison de famille fermée
Enfant                                              Maison de famille qu’on ouvre
Enfance pas si lointaine                    Vacances
Barbe à papa                                    Barbe à papa
Photo Nina Leen / Texte Christine B. 
(atelier du 23 septembre chez Mary Renard)

jeudi 10 octobre 2013

En préparation

Souvenez-vous, ma rencontre avec la plasticienne Agnès Guidon avait donné naissance, en mai et en juin 2013, à plusieurs ateliers et à une formation pour les bibliothécaires et animateurs, mêlant écriture et techniques du livre animé. Ces ateliers avaient remporté un franc succès. "A quand le prochain?!" nous avait-on demandé.

Agnès et moi y travaillons! Nos envies nous entraînent vers les paysages que l'on arpente, les chemins que l'on prend et qui laissent en nous des traces, des empreintes indélébiles, des parfums inoubliables. L'atelier que l'on vous concocte proposerait de faire le voyage en sens inverse : partir de l'arrivée et rebrousser chemin pour cueillir quelques mots, une sensation, une émotion, que chacun déposerait sur le papier.
Nos boussoles, lors de ces pérégrinations littéraires, seraient les voix de Marie-Hélène Lafon, Anne Herbauts ou Jeanne Benameur. Murmures ou échos, elles travailleraient nos écritures.
Dans cet atelier à venir, les mots doux ne seraient pas en reste, ceux que l'on tait, ceux qui bruissent malgré tout et ceux que l'on offre en réalisant avec nous, bientôt, un "objet livre" dont je ne vous dévoilerai pas la forme... d'ailleurs, je m'arrête là et espère vous faire patienter avec ces clichés des premiers ateliers.
A bientôt!
Isabelle
Formation de 2 jours commanditée par la Direction Départementale de la Cohésion Sociale avec l'aimable participation de la médiathèque de Juigné-sur-Loire pour le prêt de ses locaux.

Agnès (debout) expliquant une technique de pliage
Pli / contre-pli


jeudi 26 septembre 2013

Ecrire le nez en l'air

Comme tous les lundis, L'Atelier du 5 propose un atelier découverte... et lundi 23 septembre, c'était au tour de l'écriture de faire son entrée dans la programmation.
Mary, la maîtresse de maison, nous avait préparé une table pleine de délices: gâteaux, bonbons sucrés et acides, chocolats croquants... tout était là pour émoustiller nos papilles et nos narines. Quelle aubaine, j'avais décidé de faire écrire sur notre rapport au monde et donc sur nos sens.
Et pas n'importe lequel, l'odorat en l'occurrence. Sans doute le plus oublié de tous nos sens, le plus atrophié peut-être, l'odorat dérange parfois par son aspect animal, instinctif, preuve en est l'expression passée dans le langage courant 'je le sens bien' ou au contraire 'je ne peux pas le sentir'!
Très vite après les présentations, nous sommes entrés dans le vif du sujet avec un extrait du dernier roman de Jean-Philippe Toussaint, Nue (Editions de Minuit 2013).
J'avais choisi le très bien senti (!) et néanmoins dérangeant passage, où le narrateur nous fait (re)sentir le parfum du chocolat et passer d'un sentiment de plaisir (qui n'aime pas l'odeur du chocolat chaud dans l'air?) à un sentiment d'écoeurement à nous rendre malade (le chocolat dans un cimetière - lisez Toussaint, vous comprendrez!).

A notre tour, nous avons listé d'abord, puis écrit sur les différentes odeurs, tantôt agréables tantôt désagréables qui flottent dans l'air de nos vies d'ici et d'ailleurs. Comme toujours, nous nous sommes tout permis, car en écriture, le JE du narrateur n'est pas le JE de l'auteur. 
Gageons qu'à l'issue de cet atelier, vers 22h30, nous avons humé l'air frais et humide de la nuit et senti le monde qui nous entoure avec plus d'acuité.
Isabelle Moran
Pour plus d'infos sur l'Atelier du 5, c'est ici

mercredi 10 juillet 2013

Lecture chuchotée, une autre manière de lire et faire lire


Un petit moment de détente
Pour entendre des histoires autrement
Au creux de l'oreille
Doucement

Tout près du souffle et de l'émotion

Loup! Y es-tu?
M'entends-tu?

Isabelle et Lilwen

Même les mamans peuvent se faire raconter des histoires par leurs petites filles!

lundi 8 juillet 2013

La poésie par les sens

Mercredi 3 juillet, six jeunes poétesses en herbe, âgées de 9 à 12 ans, se sont retrouvées pour partager un atelier de 3 heures à la médiathèque de Juigné et jouer avec les consignes que je leur avais concoctées.*

Je leur ai lu des poèmes de Charles Baudelaire, Bigaro Diop, Fernando Pessoa et Ohran Veli. Ces poètes, chacun à leur manière, dans les lieux qui les ont vu vivre (France, Sénégal, Portugal, Turquie), nous disent l'importance de rester à l'écoute de nos sens. Véritables sésames pour entrer en poésie, nos sens nous permettent d'aller voir de l'autre côté de ce que l'on nomme Réalité.

Car la poésie est partout pour qui sait s'en saisir, pour qui sait voir et entendre, sentir et toucher au delà des apparences. La poésie est partout pour qui sait s'arrêter.

Ecouter autrement

Ecoute plus souvent 
Les choses que les êtres.
La voix du feu s'entend.
Entends la voix de l'eau, écoute dans le vent
Le buisson en sanglots:
C'est le souffle des ancêtres.

Bigaro DIOP


A l'issue des 3 heures passées ensemble, chacune a pu repartir avec un petit livre relié où les poèmes lus alternaient avec les poèmes écrits au cours de l'atelier.

Voici quelques-unes de nos productions :

Poèmes pour les gourmands 
(à partir de deux mots éloignés 'Brouette' et 'Haribo', les relier)

Dans ma brouette, 
J'ai plein de bonbons Haribo.
Un bonbon Haribo,
Dans une brouette,
Joue avec le vent.

Mes bonbons
sont très bons
et ma brouette
est très chouette.

Le bonbon Haribo
est tombé dans ma brouette
Bonbon chouette
Bonbon brouette

Une brouette remplie d'Haribo
Joue dans le vent du printemps.
Bonbon dans un bocal,
Brouette dans un festival.

La brouette du jardinier
a transporté
les Haribo
Sucré noir

Ma brouette d'épices
s'enflamme
pour devenir réglisse


Cadavre exquis
Les cheveux noirs qui dorment à longueur de journée sont souvent beaux

Sur les pas d'Ohran Veli

Bel été à toutes et tous
N'oubliez pas d'être 
poète

Isabelle Moran
* atelier d'écriture réalisé à partir de la malle Poésie de la BDP

Ecrire à partir d'un tableau

En mai 2013, nous avons consacrées deux ateliers à l'écriture, la musique et la peinture. Le principe est simple : observer une oeuvre picturale où figurent un instrument et des personnages, et leur attribuer une vie.
D'autres avant nous s'y sont essayées avec succès, citons Gaëlle JOSSE, Les heures silencieuses (inspiré de DE WITTE)
et Tracy CHEVALIER, La jeune fille à la perle (inspiré de VERMEER)
Après avoir observé avec attention le tableau (couleurs, rendu, atmosphère, personnages...),  nous avons donné forme à nos impressions en écrivant un "biographème" selon Roland Barthes. 
"Janis" et "Après la séance de pose" en sont deux exemples. 
Bonne lecture.
I.M.

Janis


Felix VALOTTON, autoportrait
Le soleil vient de sa gauche. Une fenêtre fermée. Un rideau blanc tiré. De l’autre côté peut-être un jardin mais ça pourrait tout aussi bien être la rue.
Assise sur une chaise, elle coud.

1° Janis, aînée de cinq enfants, fille d’un bûcheron et d’une couturière, tous deux à la tâche.

2° Contemporaine de la guerre au Viêt-Nam de la violence en Afrique du Sud et de l’alcoolisme de Kerouac.

3° Eblouissements de Janis : les démonstrations mathématiques, les mandalas qu’elle reproduit pour broder ses draps.

4° Janis déteste la campagne ; et c’est pire si on y joue au football. 

5° A Angers Janis apprit la vie communautaire. Elle faisait la vaisselle et le ménage pendant que les autres faisaient en couples, autre chose, salir la vaisselle et foutre le bordel par exemple.

6° Janis ne survécut à l’autisme qu’au prix de son rôle de bouffon qu’elle endossait jusqu’à la gueule de bois.

7° Janis vécut de rire, de blues, de quelques amours.

8° Ses connaissances : elle était capable de conduire un taxi en un temps record en récitant la litanie des noms de rues, à Angers, mais aussi à Lisbonne.

9° Sa vieillesse : elle remet les choses en ordre, classe, jette, trie, tous les jours, évolue dans un ordre meuble.

10° Son dernier compagnon a dû la trouver bien matinale et fort silencieuse, assise sur sa chaise que lui avait fabriquée son père, près de la fenêtre, ce matin du 13 décembre, avant de s’apercevoir qu’elle était morte. Il faisait trop noir.

11° Janis avait lu Borges.

Evelyne
16 mai 2013, Juigné sur Loire

Après la séance de pose


Richard BERGH, Après la séance de pose, 1884 (Huile sur toile 145 x 200 cm, Malmö Konstmuseum.)

En enfilant ses bas, elle sent une fatique si lourde qu’elle ferme les yeux, laisse tomber la tête. Elle ne peut plus, plus passer des heures qui deviennent des jours, même des années, son corps vulnérable exposé aux yeux froncés des jeunes artistes.

Tout au début, une fois rhabillée, elle a fait le tour de leurs efforts sans trouver rien d’elle dans les portraits. Rien.

C’est de la musique qu’elle entend? Pas possible. Mais dans le coin ombragé de la salle elle voit le figure sombre d’un violoniste, la barbe noire. Un rayon du soleil couchant frappe son front. Les refrains, aussi tristes que sa vie, se répètent avec une mélancholie qui serre la poitrine. Brusquement elle remet ses vêtements en se demandant comment il a pu pénétrer dans l’atelier. Et qu’est-ce qu’il regarde si fixement? Le passé? Le futur?

Ses bottes à la main, elle se tourne vers la porte. Mais s’il l’a fermée à clef et qu’elle ne peut pas sortir? N’osant pas respirer, elle traverse la salle pour la dernière fois, l’air est épais chargé de l’odeur des toiles poussiéreuses. C’est decidé: elle va quitter cette demi-vie, ce pays nordique froid et sombre. Sa mère survivra sans elle. Son ami Torbin continera de se soûler avec ses copins pendant qu’elle voyagera au sud pour retrouver son pays natal, la lumière, la liberté.

La porte s’ouvre d’une simple pression. Le musicien ne la regarde même pas. Mais dans le couloir, elle hésite. Normalement elle ferme à clef, et laisse la clef en bas chez le concierge. Il faut qu’elle le lui dise.

Elle ouvre la porte à nouveau, et jette un coup d’oeil furtif à l’intérieur. Mais il n’y a personne. Que du silence.
Anne W.