jeudi 15 avril 2010

Je suis le règne végétal par Christine H.

Quand je dis terre, je vois le paysan rentrer dans le soleil couchant, les bottes lourdes de cette terre amoureuse.

Quand je dis terre, je vois les moutons ignorants, tondant consciencieusement cette herbe pelée.
Quand je dis terre, j’entends le chien qui jappe pour accueillir son maître, j’entends la chaise qui grince sous son poids, j’entends le carillon qui sonne, il est 8 heures.
Quand je dis terre, je sens les herbes du talus pleines de la pluie finissante, la chaleur qui monte après l’orage, ce parfum indéfinissable.
Quand je dis terre, je touche le pin au tronc morcelé, le bouleau à l’écorce fragile, la caresse du saule m’accompagne dans le fond du jardin.
Quand je dis terre, je goûte aux brindilles juteuses glissées entre deux fraises.

Définition en images
La violette, parfum suranné des années 50, fleur timide mais insistante, indispensable pour un parterre arc-en-ciel, inoubliable sur le corsage de ma grand-mère.

A la manière d’un haïku
Le noyer pleure au loin
Le noir soudain
Enfin l’orage

La forêt silencieuse
Une tache d’encre
Une lettre inachevée

L’oasis
Le désert
Quelques pas

Je suis le grain de blé
La main chaude de Maurice vient de m’abandonner, me lâchant brutalement au milieu d’un sillon brun, large et profond. Soudain j’ai froid, peur de cette soudaine solitude. Et pourtant au fil des jours je m’alanguis, apprécie la chaleur nouvelle d’une terre inconnue jusqu’alors. En quelques jours j’ai déjà fait connaissance avec des voisins sans gêne, d’autres curieux de mon arrivée voire même intéressés par mon devenir.
J’ai facilement pris mes quartiers d’hiver mais le printemps tout proche m’a bousculé. Cette terre, vraiment, était devenue un peu trop collante ! Il me fallait la remettre à sa place et découvrir d’autres horizons, j’ai besoin d’espace, je suis libre, moi. Hésitant, titubant je me réveille dans une lumière éclatante, un champ à perte de vue où d’autres semblables m’attendent. Tel un adolescent fou, rien ne semble pouvoir m’arrêter, à chaque jour une nouvelle découverte signe qu’un avenir exceptionnel m’attend.
J’ai fait de très belles rencontres : des êtres volants, multicolores ont cherché à me séduire, l’astre du jour m’a donné une teinte mordorée très appétissante. Quelques êtres perfides ont tenté de m’éliminer mais l’animal sur deux pieds a su me soigner.
Période éternelle…
Hélas, un jour cet astre bienveillant m’a moins réchauffé, j’ai bu plus que nécessaire, mes articulations ont commencé à me faire mal.
Et aujourd’hui l’effervescence semble à son comble. Quelle est cette grosse bête malodorante qui me frôle ? Au secours !!!

Textes Christine H.
Photo Isabelle M.