lundi 3 mai 2010

Je suis le grain de blé

Je ne sais pas d'où je viens mais ma chute a été courte et douce. 
La terre est amoureuse, comme dirait la voix d'en face.
Elle m'attendait, ouverte, écartelée même, prête à être fécondée,
Humide de désir, engraissée d'envie et prometteuse d'avenir.

Elle a fantasmé tout l'hiver au repos, elle s'est préparée à ma semence.
Et me voilà ! Je suis le premier arrivé.

Le premier à la pénétrer et à me nicher.
Je m'enfonce sans peine de quelques millimètres encore,
Juste assez pour sentir sa chaleur et son poids me recouvrir.
Je silence quelques temps, je savoure l'extase du vainqueur.
Puis je bois à sa source et ruisselle de cette ardeur.
Je m'endors, fatigué de l'épreuve fusionnelle.

Au réveil, je sens ma membrane ramollie par le fluide de vie
Autour l'obscurité, et sa présence enveloppante, riche,
Immense, généreuse comme je l'imaginais. J'ai confiance.

J'enlève ce dernier vêtement qui me protège,
Ma dernière peau, et m'offre encore à elle.
Je m'étire, me gaine, ma tige se gorge de sève
Et bande fortement et longuement vers le ciel.

Le rideau s'ouvre, je vois la lumière, je suis bien.
Je rêve à demain et à d'autres caresses terrestres.
Patricia C.