mercredi 10 juillet 2013

Lecture chuchotée, une autre manière de lire et faire lire


Un petit moment de détente
Pour entendre des histoires autrement
Au creux de l'oreille
Doucement

Tout près du souffle et de l'émotion

Loup! Y es-tu?
M'entends-tu?

Isabelle et Lilwen

Même les mamans peuvent se faire raconter des histoires par leurs petites filles!

lundi 8 juillet 2013

La poésie par les sens

Mercredi 3 juillet, six jeunes poétesses en herbe, âgées de 9 à 12 ans, se sont retrouvées pour partager un atelier de 3 heures à la médiathèque de Juigné et jouer avec les consignes que je leur avais concoctées.*

Je leur ai lu des poèmes de Charles Baudelaire, Bigaro Diop, Fernando Pessoa et Ohran Veli. Ces poètes, chacun à leur manière, dans les lieux qui les ont vu vivre (France, Sénégal, Portugal, Turquie), nous disent l'importance de rester à l'écoute de nos sens. Véritables sésames pour entrer en poésie, nos sens nous permettent d'aller voir de l'autre côté de ce que l'on nomme Réalité.

Car la poésie est partout pour qui sait s'en saisir, pour qui sait voir et entendre, sentir et toucher au delà des apparences. La poésie est partout pour qui sait s'arrêter.

Ecouter autrement

Ecoute plus souvent 
Les choses que les êtres.
La voix du feu s'entend.
Entends la voix de l'eau, écoute dans le vent
Le buisson en sanglots:
C'est le souffle des ancêtres.

Bigaro DIOP


A l'issue des 3 heures passées ensemble, chacune a pu repartir avec un petit livre relié où les poèmes lus alternaient avec les poèmes écrits au cours de l'atelier.

Voici quelques-unes de nos productions :

Poèmes pour les gourmands 
(à partir de deux mots éloignés 'Brouette' et 'Haribo', les relier)

Dans ma brouette, 
J'ai plein de bonbons Haribo.
Un bonbon Haribo,
Dans une brouette,
Joue avec le vent.

Mes bonbons
sont très bons
et ma brouette
est très chouette.

Le bonbon Haribo
est tombé dans ma brouette
Bonbon chouette
Bonbon brouette

Une brouette remplie d'Haribo
Joue dans le vent du printemps.
Bonbon dans un bocal,
Brouette dans un festival.

La brouette du jardinier
a transporté
les Haribo
Sucré noir

Ma brouette d'épices
s'enflamme
pour devenir réglisse


Cadavre exquis
Les cheveux noirs qui dorment à longueur de journée sont souvent beaux

Sur les pas d'Ohran Veli

Bel été à toutes et tous
N'oubliez pas d'être 
poète

Isabelle Moran
* atelier d'écriture réalisé à partir de la malle Poésie de la BDP

Ecrire à partir d'un tableau

En mai 2013, nous avons consacrées deux ateliers à l'écriture, la musique et la peinture. Le principe est simple : observer une oeuvre picturale où figurent un instrument et des personnages, et leur attribuer une vie.
D'autres avant nous s'y sont essayées avec succès, citons Gaëlle JOSSE, Les heures silencieuses (inspiré de DE WITTE)
et Tracy CHEVALIER, La jeune fille à la perle (inspiré de VERMEER)
Après avoir observé avec attention le tableau (couleurs, rendu, atmosphère, personnages...),  nous avons donné forme à nos impressions en écrivant un "biographème" selon Roland Barthes. 
"Janis" et "Après la séance de pose" en sont deux exemples. 
Bonne lecture.
I.M.

Janis


Felix VALOTTON, autoportrait
Le soleil vient de sa gauche. Une fenêtre fermée. Un rideau blanc tiré. De l’autre côté peut-être un jardin mais ça pourrait tout aussi bien être la rue.
Assise sur une chaise, elle coud.

1° Janis, aînée de cinq enfants, fille d’un bûcheron et d’une couturière, tous deux à la tâche.

2° Contemporaine de la guerre au Viêt-Nam de la violence en Afrique du Sud et de l’alcoolisme de Kerouac.

3° Eblouissements de Janis : les démonstrations mathématiques, les mandalas qu’elle reproduit pour broder ses draps.

4° Janis déteste la campagne ; et c’est pire si on y joue au football. 

5° A Angers Janis apprit la vie communautaire. Elle faisait la vaisselle et le ménage pendant que les autres faisaient en couples, autre chose, salir la vaisselle et foutre le bordel par exemple.

6° Janis ne survécut à l’autisme qu’au prix de son rôle de bouffon qu’elle endossait jusqu’à la gueule de bois.

7° Janis vécut de rire, de blues, de quelques amours.

8° Ses connaissances : elle était capable de conduire un taxi en un temps record en récitant la litanie des noms de rues, à Angers, mais aussi à Lisbonne.

9° Sa vieillesse : elle remet les choses en ordre, classe, jette, trie, tous les jours, évolue dans un ordre meuble.

10° Son dernier compagnon a dû la trouver bien matinale et fort silencieuse, assise sur sa chaise que lui avait fabriquée son père, près de la fenêtre, ce matin du 13 décembre, avant de s’apercevoir qu’elle était morte. Il faisait trop noir.

11° Janis avait lu Borges.

Evelyne
16 mai 2013, Juigné sur Loire

Après la séance de pose


Richard BERGH, Après la séance de pose, 1884 (Huile sur toile 145 x 200 cm, Malmö Konstmuseum.)

En enfilant ses bas, elle sent une fatique si lourde qu’elle ferme les yeux, laisse tomber la tête. Elle ne peut plus, plus passer des heures qui deviennent des jours, même des années, son corps vulnérable exposé aux yeux froncés des jeunes artistes.

Tout au début, une fois rhabillée, elle a fait le tour de leurs efforts sans trouver rien d’elle dans les portraits. Rien.

C’est de la musique qu’elle entend? Pas possible. Mais dans le coin ombragé de la salle elle voit le figure sombre d’un violoniste, la barbe noire. Un rayon du soleil couchant frappe son front. Les refrains, aussi tristes que sa vie, se répètent avec une mélancholie qui serre la poitrine. Brusquement elle remet ses vêtements en se demandant comment il a pu pénétrer dans l’atelier. Et qu’est-ce qu’il regarde si fixement? Le passé? Le futur?

Ses bottes à la main, elle se tourne vers la porte. Mais s’il l’a fermée à clef et qu’elle ne peut pas sortir? N’osant pas respirer, elle traverse la salle pour la dernière fois, l’air est épais chargé de l’odeur des toiles poussiéreuses. C’est decidé: elle va quitter cette demi-vie, ce pays nordique froid et sombre. Sa mère survivra sans elle. Son ami Torbin continera de se soûler avec ses copins pendant qu’elle voyagera au sud pour retrouver son pays natal, la lumière, la liberté.

La porte s’ouvre d’une simple pression. Le musicien ne la regarde même pas. Mais dans le couloir, elle hésite. Normalement elle ferme à clef, et laisse la clef en bas chez le concierge. Il faut qu’elle le lui dise.

Elle ouvre la porte à nouveau, et jette un coup d’oeil furtif à l’intérieur. Mais il n’y a personne. Que du silence.
Anne W.