mercredi 28 avril 2010

s'aimer à (la bonne) distance


Samedi dernier, salle de la Dagoberderie nous étions d'humeur joyeuse et amoureuse. Pour preuve la foison de lettres échangées entre les personnages sortis tout droit de notre imagination spécialement pour l'occasion. Correspondance amoureuse flamboyante, timide, pressante, drôle, spirituelle, il y en avait pour tous les goûts. Il faut dire que nous étions à bonne école : les voix d'Héloïse et Abélard, d'Alfred (de Musset) et George (Sand) ou encore celles de Juliette (Drouet) et Toto (Victor Hugo) nous ont accompagnés toute la matinée.

Ils se sont aimés avant nous

Héloïse à Abelard
(...) que je t'écrive souvent, en répétant encore et encore les mêmes choses, cela, je crois, ne t'est pas pénible, ni ne m'est difficile, puisque je t'aime comme moi-même, aussi ne puis-je manquer de t'aimer de tous les efforts de mon coeur. (...)
Porte-toi bien, toi qui m'es plus cher que la vie. Sache qu'en toi est ma mort et ma vie.
Lettres des deux amants, attribuées à Héloïse et Abelard, Gallimard 2005

Alfred de Musset à George Sand, Paris 4 juin 1834
(...) je n'ai compris que je pouvais aimer, que lorsque j'ai vu que je pouvais mourir. (...)
George Sand à Alfred de Musset, Paris, fin janvier 1835
(...) Tout cela, vois-tu, c'est un jeu que nous jouons. Mais notre coeur et notre vie servent d'enjeux, et ce n'est pas tout à fait aussi plaisant que cela en a l'air. Veux-tu que nous allions nous brûler la cervelle ensemble à Franchart? Ce sera plustot fait. (...)
Lettres d'amour de George Sand et d'Alfred de Musset, présentées par Françoise Sagan, Hermann 2002

Juliette Drouet à Victor Hugo, Jersey 15 mai 1854 lundi après-midi 3h.1/2
Permis à vous de venir me surprendre dans ce moment-ci, mon cher petit curieux, mais je vous défends de venir quand je suis en train de faire mes giries* mélancoliques comme ce matin. C'est bien le moins que je puisse pleurer à mon aise de temps en temps sans que vous y fourriez votre nez. Ce serait aussi par trop fort que vous voulussiez m'empêcher de crever de chagrin.
*Jérémiades
Juliette Drouet, Lettres à Victor Hugo, Correspondance 1833-1882, Fayard 1985 et 2001.