dimanche 9 décembre 2012

La liste de Marie-Françoise


Musique et Littérature en elle

Les mots et les notes
Le souffle
Les textes mis en musique
Les notes entre les mots
La musique des mots
Sororité (des notes et des mots)
Lire en écoutant de la musique
Le texte de F. M. écrit comme une valse
La musique du vent, des drisses, le frémissement des feuilles dans les arbres.
Ecrire pour retrouver, tenter de dire les mélodies qui m’entourent, me portent, me sont un monde
La musique des mots
Les mots et les notes pour apprivoiser l’indicible.

Les mots déposés à plusieurs dans une spirale en forme de ressort


             Vagues, berceuse, rythme, lune, couleur, tableau.

Vite, marcher vers la plage, accélérer le rythme de ses pas, suivre le petit chemin sur la falaise, se laisser guider par la lune. Ne pas trembler, ne pas regarder en arrière. Penser qu’Il est là, qu’il attend peut-être. Les nuages s’amusent à défiler puis à se cacher tandis que le visage, les mains changent de couleur, s’assombrissent ou s’habillent de lumière. Arriver enfin sur un grand terre-plein ; à cet endroit où, lorsqu’il fait jour, on découvre toute la cote, à cet endroit où les yeux, avec la mer, se perdent dans l’infini. Retrouver les marches, les descendre lentement  tant elles sont sournoises. Laisser à droite la jetée, s’arrêter auprès des rochers. S’asseoir, écouter les vagues caresser la digue. S’allonger, fermer les yeux. Voir se dessiner  le phare avec la netteté d’un tableau. Ecouter  les vagues faire leur petit clapotis, doux et léger comme une berceuse. Tenter d’y accorder les battements de son cœur. LE faire tout doucement apparaître.
Marie-Françoise

Dans les hautes herbes

Il en avait assez de leurs longues tirades à eux seuls destinés. Le repas s’éternisait dans un flux ininterrompu de mots, pas même un petit silence pour y glisser sa respiration. Sans bruit l’enfant s’éclipsa, laissant ses parents et leurs amis à la morgue des uns, la  suffisance des autres. Pas un seul  adulte ne s’aperçut pas de son départ. Il courut longtemps sur le chemin qui longeait le fleuve puis s’arrêta à côté des grands arbres, tout prêt de la clairière. L’endroit lui plut et il s’y installa ôtant quelques pierres, rajoutant quelques feuilles mortes. De hautes herbes l’entouraient, l’abritaient, lui faisant une superbe cachette. A écouter le fleuve et les rouges-gorges, il s’endormit. Longtemps. C’est un son inattendu qui le réveilla. Il lui fallut plusieurs minutes pour reconnaître un bruit de voix. Attentif il perçut un murmure, un chuchotement, des chuintements, des écarts avec des plongées en abîme ou des envolées vers les cimes. Aucun mot ne lui était perceptible mais il fut certain de reconnaître la voix de ses parents. Ils s’étaient arrêtés à quelques pas de lui, ignorant qu’il était là si proche, l’ignorant une nouvelle fois. Lui, il ne voulait surtout pas qu’ils le découvrissent ; il voulait continuer à écouter cette symphonie qui se jouait là tandis que les hautes herbes lui caressaient délicatement les joues et qu’un trouble l’envahissait.
Marie-Françoise

Ecrire à la Villa 34

Nicole Dedonder a récemment animé plusieurs ateliers d'écriture à la villa 34; elle nous livre ici les textes de quelques résidents, entre nostalgie et tendresse.

A la manière de…G. Perec : « Je me souviens… »


Je me souviens de ces jours de Nouvel an autour de la choucroute préparée avec amour par ma grand-mère.
Je me souviens que je la détestais (la choucroute !), sauf les diverses viandes.
Mais cette choucroute me fascinait !
Ma grand-mère l’avait cultivée, depuis la plantation jusqu’à la table du réveillon.
Je me souviens de ses gestes amples pour découper ses choux.
Je me souviens de ses pots de grès où étaient jetées les languettes de choux.
Je me souviens de ces moments si chaleureux en famille, avec tantes et cousins, parents et grands-parents, frères et sœurs.
Je me souviens…
Il y a beaucoup d’émotion en moi en évoquant ces fêtes.
Il y a si longtemps maintenant !
Nadine,  72 ans

A la manière de G. Pérec : « Je me souviens…»


Je me souviens d’une gifle à l’école pour n’avoir pas pu faire une division.
Je me souviens des deux mètres de neige sur les routes dans le Condroz pendant la guerre.
Je me souviens des discussions inutiles au Conseil Communal.
Je me souviens d’une dispute avec un frère au sujet de choses dont je m’occupais.
Je me souviens des courses à vélo, pendant la guerre, pour se ravitailler.
Je me souviens de la première rencontre avec Lucien mon mari.
Je me souviens de la façon dont un pharmacien s’est trompé de médicament et ma petite fille de deux ans en est décédée.
Je me souviens que je détestais le pensionnat.
Je me souviens, j’avais quatre ans, de l’enfant adopté par un de mes oncles.
Lucie, 85 ans 

Souvenir d'un repas délicieux


Je me souviens de ces repas de famille où nous prenions plaisir à nous réunir. Un de mes oncles, super cuisinier, ce n’était pas son métier, nous préparait des repas de fêtes. En commençant notre repas, tout le monde parlait en même temps et puis, petit à petit, le silence s’installait, entrecoupé de
 « Oh ! Que c’est délicieux, savoureux, formidable ! »
« Mon oncle, tu es un vrai chef ! »
« Où as-tu trouvé cette recette ? »
Pendant ce temps, les heures passaient ….
Et nous nous apercevions que nous étions gais, contents, heureux.
On se quittait en se promettant de se revoir. On ne restait jamais longtemps sans se revoir. Et pour cause, chacun savait ce que nous retrouverions à table.
Ah ! La gourmandise !
Jacqueline, 82 ans

A partir de « L’eau vive » de G. Béart…


J’aime beaucoup la chanson scoute « Ce n’est qu’un au-revoir ».
Elle fut jouée à l’enterrement de mon beau-père.
Cette chanson, je l’ai toujours chantée à la fin des réunions scoutes.
J’ai demandé à ma fille de la jouer à mon enterrement.
François78 ans

ça a démarré

ça y est, nos rencontres ont démarré. Les mots se sont formés, ils ont été prononcés, reçus, ils ont fait écho, ricochets, entraînant avec eux d'autres mots, des émotions aussi. Ils ont suivi la spirale de notre oreille interne, remonté le temps pour aller visiter notre origine et enfin, se sont cachés sous le plancher d'une cabane pour mieux dévoiler se qui ne devait pas s'entendre.
On pourrait dire tout cela d'une autre manière :
Notre premier atelier d'écriture sur la musique et la littérature invite à nous mettre à l'écoute :


Il t'arrive des mots,
Des lambeaux de phrase.

Laisse-toi causer. Ecoute-toi
Et fouille, va au plus profond.

Regarde au verso des mots,
Démêle cet écheveau.

Rêve à travers toi,
A travers tes années
Vécues et à vivre.

Eugène Guillevic

Première consigne : listez les mots qui vous arrivent à l'écoute du couple 'musique et littérature'
Deuxième consigne : tracez une spirale (qui est aussi la forme de votre oreille interne) et faites tourner la feuille dans le groupe. Après avoir donné et récolté des mots, écrivez un texte utilisant les mots de votre spirale.

Entendre ce qui ne devait pas s'entendre. Se cacher et percer le secret.

Ce fut notre dernière consigne après des lectures tirées de Tous les matins du monde et de La leçon de musique de Pascal Quignard; Marin Marais, caché sous le plancher de la cabane de mûrier écoute son maître, Sainte-Colombe, jouer divinement de la viole de gambe.

Les textes que vous lirez après ce post sont les textes écrits en atelier ce soir-là.

La liste de Patricia

quand elle écoute résonner en elle les mots musique et littérature

créativité - recherche - vibration - sons - mots - phrases - réponses - dialogue - ça raconte - émotion - dire la vie - évocation - lectures - instruments - livres - partition - poésie - artiste - une oeuvre - musicien - écrivain - résonance

La spirale des mots

Sous un arbre, un abri du vent, j'ai écrit ce matin la musique de ta peau de soie. Les sensations que j'éprouve à l'écoute de mon oeuvre me rapprochent encore davantage de ta douceur, me protègent de ton absence et du manque du son de ta voix. 
Patricia C.

Tous les matins du monde


Après deux jours passés dans le cagibi sous l'escalier, je me suis endormi sans manger. Sans manger le potage, encore dans l'assiette, posé au sol devant mes genoux repliés. Le potage que ma mère pensait m'obliger à manger, excédée de mes dégoûts à l'égard de ses soupes.
Je me suis endormi de fatigue et d'attente... d'attente que quelqu'un ouvre la petite porte sous l'escalier.
Soudain c'est le son de ma mère qui me réveille. La mélodie de sa voix que j'aime tant quand elle me traverse et me caresse pour m'endormir. Sa voix inquiète, sa musique vibre, sursaute, sanglote de la glotte.
Elle parle à des hommes, j'écoute leurs voix lourdes, graves qui semblent tenter de la rassurer.
Je me penche, m'intéresse et colle mon oreille contre la petite porte. Ce sont les gendarmes.
Alors, je décrypte ce dialogue, j'assemble les notes, les vibrations et les émotions de ma mère et je comprends.
Je comprends, ce que j'aimerais tant ne pas comprendre.
Ma mère me cherche désespérément, elle a oublié qu'elle m'avait puni dans le cagibi.

Patricia C.