Pierre Legrand est en nage. Il
court depuis une demi-heure. Se perd dans les ruelles toutes identiques de
Millau. Peu à peu la colère le gagne comme la sueur sur son dos musclé.
Qu’est-il donc venu faire dans cette galère ?
Il s’était pourtant bien promis
que jamais, plus jamais on ne l’y reprendrait ; accepter un dîner en ville
qui plus est ! avec cette Justine, citadine jusqu’au bout des ongles
qu’elle porte rouge vif.
Pierre tente de se ressaisir, il
ralentit, la nuit tombe avec douceur, l’air reste léger et il commence même à
apprécier sa déambulation loin de sa campagne familière.
Même si le lieu de rendez-vous
reste difficile à trouver, que l’agacement le gagne Pierre a l’habitude
d’apprécier l’instant présent, quelque soit le contexte. Cet exercice il s’y
astreint depuis de nombreux mois maintenant et fait à chaque fois une belle
découverte. Mais ce soir tout est plus difficile : les arbres au feuillage
rafraîchissant paraissent un peu ternes, les fleurs des parterres si artificielles,
même l’eau des fontaines semble faire un effort pour s’écouler clairement.
Une grande fatigue envahit soudain
Pierre ; sa vue croise un banc posé là dans un petit square, exprès pour
lui semble-t-il.
La nuit a donc été si
courte ?
Pierre s’éveille. Allongé sous le
chêne familier, au milieu du pré, le corps reposé, une faim de loup l’assaille.
« Ca y’est c’est prêt, le
dîner est servi » crie Justine au loin.
La voici la belle découverte du
jour ! !
Christine
Atelier du 20 janvier
Tableau Henri Rousseau, Le rêve, 1910